CA VERSAILLES RG 21/07299

28 MARS 2023
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
RG N°21/07299
13e CHAMBRE

Entête

AFFAIRE :

[Y] [U]
C/S.A. BNP PARIBAS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Novembre 2021 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE

N° Chambre : 0
N° Section : 0
N° RG : 2020F00353

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :

Me Monique TARDY
Me Niels ROLF-PEDERSEN
TC PONTOISE

28 mars 2023

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT HUIT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [Y] [U]
né le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 6]
de nationalité Française

[Adresse 1]
[Localité 5]

Représentant : Me Monique TARDY de l’ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire :

620 – N° du dossier 005134

Représentant : Me Sylvie NOACHOVITCH de la SELARL SELARL INTER BARREAUX SYLVIE NOACHOVITCH & ASSOCIE,

Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1833

APPELANT

****************

S.A. BNP PARIBAS

[Adresse 2]
[Localité 4]

Représentant : Me Niels ROLF-PEDERSEN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 291

Représentant : Me Dominique PENIN du LLP KRAMER LEVIN NAFTALIS & FRANKEL LLP, Plaidant, avocat au barreau de

PARIS, vestiaire : J008
INTIMEE

28 mars 2023

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique

du 13 Décembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Andrée BAUMANN,

Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

Madame Véronique MULLER, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN,

M. [Y] [U] est titulaire dans les livres de SA BNP Paribas d’un compte auquel il peut accéder via l’application mobile de

BNP Paribas.

Le 31 mai 2019, M. [U] a constaté que plusieurs virements frauduleux pour un montant de 54 500 euros avaient été réalisés depuis son compte bancaire ; il a prévenu sa conseillère le jour même, étant précisé qu’un prélèvement de 5 000 euros a pu être recrédité sur son compte puis il a déposé plainte le 3 juin 2019.

Exposé du litige

Par courriel, transmis le 1er août 2019 au pôle ‘relations clients’ de la BNP Paribas, M. [U] a dressé un ‘compte-rendu des

faits du 29 mai 2019′ en rappelant que dès l’ouverture de l’agence le 31 mai, il l’en avait informée.

Par lettre du 8 août 2019, la BNP Paribas, contestant que sa responsabilité puisse être engagée et soutenant que M. [U] avait ‘commis des imprudences et négligences graves’ lui a indiqué qu’il ne serait pas donné une suite favorable à sa demande de remboursement.

Par acte d’huissier en date du 12 août 2020, M. [U] a assigné la BNP Paribas devant le tribunal de commerce de Pontoise, lequel, par jugement contradictoire assorti de l’exécution provisoire du 3 novembre 2021, a :

– débouté M. [U] de sa demande en paiement de la somme de 54 500 euros ;

– débouté ce dernier de ses demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice moral et de la résistance abusive ;

– débouté celui-ci de sa demande en paiement sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [U] à payer à la BNP Paribas la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [U] aux entiers dépens de l’instance.

Par déclaration en date du 8 décembre 2021, M. [U] a interjeté appel du jugement.

Moyens

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 6 octobre 2022, il demande à la cour de :

– le recevoir en son appel et ses conclusions et l’y déclarer bien fondé ;

– infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

En conséquence, statuant de nouveau,

– condamner la BNP Paribas à lui payer la somme de 54 500 euros au titre du remboursement des fonds débités entre le 29 mai et 31 mai 2019, avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2019, date de réception du courrier de mise en demeure du 7 octobre 2019 ;

– ordonner l’anatocisme des intérêts au jugement (sic) de l’arrêt ;

– condamner la BNP Paribas à lui payer la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation ainsi que la même somme de 10 000 euros de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive dont elle a fait preuve à son égard, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation ;

– condamner la BNP Paribas à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de

procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation ;

– condamner la BNP Paribas aux entiers dépens, dont distraction au profit de maître Monique Tardy, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La BNP Paribas, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 19 mai 2022, demande à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

– débouter M. [U] de l’intégralité de ses demandes ;

Y ajoutant,

– le condamner à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– le condamner aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 novembre 2022.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Motivation

SUR CE,

Aucun moyen n’étant soulevé ou susceptible d’être relevé d’office, il convient de déclarer l’appel de M. [U] recevable.

Sur la responsabilité du prestataire de services de paiement :

M. [U] qui agit sur le fondement des articles L.133-18, L.133-19 et L.133-23 du code monétaire et financier et vise également la directive (UE) 2015/2366 du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement transposée en droit français par l’ordonnance du 9 août 2017, fait état de la jurisprudence de la Cour de cassation pour rappeler qu’il incombe à la banque de prouver que l’utilisateur du service a agi frauduleusement ou n’a pas satisfait, intentionnellement ou par négligence grave, à ses obligations (Com. 21 novembre 2018, n°17-18.888 et Com. 26 juin 2019, n° 18-12.581), principe régulièrement rappelé par les juridictions du fond.

Il explique avoir été victime des agissements frauduleux d’un tiers qui s’est fait passer au téléphone pour sa conseillère bancaire grâce à une faille de sécurité du système informatique de la BNP, expliquant que le mode opératoire utilisé par les escrocs est fortement répandu et que le ‘spoofing’ explose dès lors que le canal téléphonique est encore très vulnérable ; il souligne qu’en cas de fraude la banque doit rembourser son client, même si plusieurs banques refusent systématiquement de rembourser leurs clients et ne respectent pas la loi, se référant à la plainte déposée par l’UFC-Que choisir à l’encontre de douze banques dont la BNP Paribas.

Il explique qu’il a été abusé, tout portant à croire à la réception de cet appel que son interlocuteur au téléphone était membre du personnel de la BNP Paribas dès lors que le nom de sa conseillère, dont il avait enregistré le numéro, s’affichait ;qu’il n’a effectué aucun virement et que c’est l’escroc qui a créé les tiers destinataires et procédé aux détournements frauduleux. Il ajoute que ce n’est pas la première fois que la BNP Paribas connaît de graves défauts de son système de sécurité et que compte tenu de la faille de sécurité de la hotline qui a permis l’escroquerie, aucune négligence ne peut lui être reprochée ; il relève qu’il a saisi ses codes personnels non pas par téléphone, email, chat ou sur les réseaux sociaux, comme précisé sur la note de vigilance à la fraude de la banque, mais sur son application ‘ mes comptes’ à la demande de son interlocutrice qui prétendait être l’assistante de sa conseillère habituelle, ce qui l’a nécessairement mis en confiance. Il souligne qu’il a immédiatement informé sa conseillère bancaire dans le respect de l’article L.133-17 du code monétaire et financier et qu’il a porté plainte cinq jours seulement après la survenance des faits.

Il estime qu’en tout état de cause, au regard de la directive UE qui considère que ‘la négligence grave devrait impliquer plus que de la simple négligence et comporter un défaut de vigilance caractérisé’ et de la jurisprudence nationale, aucune négligence grave ne peut lui être reprochée.

La BNP Paribas fait d’abord état des termes de la plainte déposée par M. [U] pour expliquer ‘l’escroquerie’ dont celui-ci a été victime, des dispositions de l’article L.133-16 du code monétaire et financier, des consignes de sécurité à respecter qu’elle rappelle régulièrement de même que le gouvernement et les médias et de la jurisprudence de la Cour de cassation dont il ressort que l’appréciation de la ‘conscience’ attendue de l’utilisateur doit se faire in abstracto, peu important qu’il soit ou non avisé des risques de fraude.

Elle expose ensuite que M. [U] a bien bénéficié du système d’authentification forte exigé par l’ordonnance du 9 août 2017 et que le fraudeur, comme l’a retenu le tribunal, ne pouvait se passer de l’action de validation de M. [U] sur son téléphone mobile pour obtenir l’ajout des cinq bénéficiaires afin de réussir les virements frauduleux, expliquant comment cette opération d’ajout de bénéficiaires de virements a pu être validée par la composition par M. [U] du code secret qu’il a créé et qu’il est seul à connaître.

L’intimée conteste toute faille de sécurité en précisant que l’appel reçu par M. [U] ne provenait pas de ses services mais de l’escroc se faisant passer pour sa conseillère grâce au procédé du ‘spoofing’ et que seule la négligence grave de l’appelant dans l’utilisation de son service de paiement a concouru à la fraude puisqu’il a confié à l’escroc ses codes de connexion à son espace sécurisé bancaire de sorte que ce dernier, en possession de ces codes, a créé ces nouveaux bénéficiaires. Elle souligne que M. [U] a ainsi validé à cinq reprises la création des cinq bénéficiaires ce qui a permis au tiers, du fait de son absence de prudence, d’abord de subtiliser ses identifiants confidentiels alors qu’il lui appartenait de prendre toute mesure raisonnable pour en préserver la sécurité puis ensuite de réaliser les virements contestés de sorte qu’elle est déchargée de toute responsabilité. Elle fait à cet égard état de deux jugements de juridiction du fond et d’un arrêt de la Cour de cassation (Com. 1er juillet 2020, 18-21487).

En application de l’article 1937 du code civil, le banquier dépositaire des fonds confiés par son client a l’obligation de ne les restituer qu’ à ce dernier ou de suivre ses indications de paiement.

Selon les articles L. 133-16 à L.133-19, L.133-23 et L.133-24 du code monétaire et financier, dans leur rédaction résultant de la transposition par l’ordonnance 2017-1252 du 9 août 2017 de la directive UE 2015/2366 du 25 novembre 2015 relative aux service de paiement, :

– article L. 133-16 :

Dès qu’il reçoit un instrument de paiement, l’utilisateur de services de paiement prend toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés.

Il utilise l’instrument de paiement conformément aux conditions régissant sa délivrance et son utilisation qui doivent être objectives, non discriminatoires et proportionnées ;

– premier alinéa de l’article L.133-17 :

Lorsqu’il a connaissance de la perte, du vol, du détournement ou de toute utilisation non autorisée de son instrument de paiement ou des données qui lui sont liées, l’utilisateur de services de paiement en informe sans tarder, aux fins de blocage de l’instrument, son prestataire ou l’entité désignée par celui-ci ;

– article L. 133-18 :

En cas d’opération de paiement non autorisée signalée par l’utilisateur dans les conditions prévues à l’article L.133-24, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l’opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l’opération ou après en avoir été informé et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s’il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l’utilisateur du service de paiement et s’il communique ces raisons par écrit à la Banque de France. Le cas échéant, le prestataire de services de paiement du payeur rétablit le compte débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération de paiement non autorisée n’avait pas eu lieu (…) ;

– article L. 133-19 :

II. ‘ La responsabilité du payeur n’est pas engagée si l’opération de paiement non autorisée a été effectuée en détournant, à l’insu du payeur, l’instrument de paiement ou les données qui lui sont liées. (…) IV. ‘ Le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’un agissement frauduleux de sa part ou s’il n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L. 133-16 et L. 133-17 (…) ;

– article L. 133-23 :

Lorsqu’un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, ou affirme que l’opération de paiement n’a pas été exécutée correctement, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l’opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre. L’utilisation de l’instrument de paiement telle qu’enregistrée par le prestataire de services de paiement ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l’opération a été autorisée par le payeur ou que celui-ci n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations lui incombant en la matière. Le prestataire de services de paiement (…) fournit des éléments afin de prouver la fraude ou la négligence grave commise par l’utilisateur de services de paiement ;

– article L.133-24 :

L’utilisateur de services de paiement signale, sans tarder, à son prestataire de services de paiement une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée et au plus tard dans les treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion (….).

La charge de la preuve de la régularité de l’autorisation pèse ainsi sur le prestataire de services de paiement, qui doit établir que l’ordre émane bien de l’utilisateur du service ; c’est aussi au prestataire de services de paiement, soit en l’espèce la BNP Paribas, qu’il incombe de démontrer la négligence grave de son client, étant observé qu’il est jugé que la preuve d’une telle négligence de l’utilisateur d’un service de paiement ne peut se déduire de la seule utilisation effective de son instrument de paiement ou des données personnelles qui lui sont liées et qu’aucune présomption ne doit être attachée à l’infaillibilité supposée des instruments de paiement fortement sécurisés dès lors que le risque de la fraude ne pèse pas sur l’utilisateur.

M. [U], lors de la plainte déposée dès le 3 juin 2019, s’est expliqué en ces termes sur le déroulé des événements ayant conduit aux virements litigieux :

‘Mercredi dernier j’ai reçu un appel sur mon téléphone portable qui affichait la BNP Mme [B] [J] qui est ma conseillère. La femme au bout du fil se présente comme l’assistante de Mme [B]. Elle me signale qu’ils ont constaté une attaque de pirate sur mon compte courant. Ils auraient été obligés pour contrer l’attaque de supprimer des bénéficiaires. Elle souhaitait donc qu’on re-valide ces bénéficiaires.

Tout en restant en ligne avec cette femme j’ai reçu des messages toujours émanant de ce numéro de la BNP où figurait à chaque fois de valider les bénéficiaires, qu’effectivement je connaissais. J’ai donc validé à chaque message avec mon code secret. La personne m’a dit ensuite que je n’aurai plus accès à mon compte et que j’allais recevoir par la poste un nouvel identifiant de compte et un nouveau mot de passe. Le vendredi je voulais vérifier que je n’avais plus accès à mon compte et j’ai pu voir l’application de mon téléphone portable en balayant à gauche la position de mon compte qui indiquait un prélèvement d’environ 30 000 euros. J’ai donc tout de suite appelé ma conseillère au même numéro pour lui faire part de la situation. Elle a donc consulté mon compte et a constaté qu’en plus du montant prélevé il y avait aussi des prélèvements à venir pour un montant d’environ 29 000 euros. J’ai donc subi un préjudice total de 59 500 euros (….)’

Sur question de l’agent de police judiciaire, il a précisé qu’ ‘à la BNP, il n’avait jamais vu ce mode opératoire’ ; ‘qu’il n’avait jamais vu les messages entrer dans les sms.’

Il est constant que M. [U] a alerté son agence bancaire dès le 31 mai 2019 ; il a précisé dans le compte-rendu des faits effectué par courriel auprès de sa conseillère, transmis le 1er août 2019 au ‘Pôle relations clients’ de la BNP Paribas, que pour valider les transactions litigieuses présentées comme concernant des bénéficiaires qu’il connaissait, ‘la page d’accueil de son application BNP’ était ‘apparue’, lui demandant d’accéder à son compte ; qu’il avait alors entré son code personnel à six chiffres et que les coordonnées d’un de ses bénéficiaires s’étaient affichées à l’écran et qu’il avait validé comme demandé, cela successivement pour ‘4 à 5 bénéficiaires’. Il précisait dans ce courrier que le 30 mai était le jour de l’Ascension.

La BNP Paribas n’a jamais discuté que M. [U] avait été victime d’une infraction qui a fait l’objet d’un classement sans suite

faute pour les services enquêteurs d’avoir pu en identifier les auteurs.

Comme le relève la BNP Paribas, en page 2 de ses écritures, ‘ les escrocs sont parvenus’ à lui faire croire que :

– ‘ il lui fallait réaliser des opérations d’ajouts de bénéficiaires plutôt que de modifier ses codes d’accès ;

– il lui fallait saisir ses identifiants télématiques confidentiels d’accès à son espace en ligne sur un faux site miroir de la Banque, afin qu’ils soient récupérés.’

L’appelant communique en outre des impressions d’écrans justifiant d’une part qu’il a reçu le 29 mai 2019 sur son téléphone portable plusieurs appels apparaissant sous le nom ‘BNP Mme [B] [J]’et que sur son application intitulée ‘mes comptes’ il a également reçu le même jour cinq demandes de validation de transaction ; sur son relevé de compte figurent cinq opérations débitrices par virements en date du 29 mai 2019, aucun autre virement que les virements litigieux n’apparaissant au débit du compte à cette date.

S’il ressort des déclarations effectuées par M. [U] et du mode opératoire de l’ajout d’un bénéficiaire de virement, tel qu’il est décrit par le guide d’utilisation communiqué par la BNP Paribas, que celui-ci a validé les virements litigieux ‘par clé digitale’ en validant la notification reçue sur son smartphone à l’aide de son code secret personnel, il n’est pas pour autant caractérisé une négligence grave à son encontre dès lors qu’il croyait être en relation avec une salariée de la BNP Paribas, le numéro d’appel de son interlocutrice apparaissant comme étant celui de sa conseillère dont elle indiquait être l’assistante, et qu’il a cru valider la notification litigieuse sur son application bancaire dont la banque assure qu’il s’agit d’une application sécurisée ; le mode opératoire, par l’utilisation du ‘spoofing’, soit littéralement une usurpation d’identité, a mis M. [U] en confiance et a diminué sa vigilance, étant observé que face à un appel téléphonique évoquant de surcroît un piratage, la vigilance de la personne qui reçoit cet appel est moindre que celle d’une personne qui réceptionne un mail, laquelle dispose de davantage de temps pour en prendre connaissance et s’apercevoir d’éventuelles anomalies révélatrices de son origine frauduleuse.

En outre M. [U] n’a aucunement tardé dans la révélation de ces virements frauduleux à sa banque. Dans ces circonstances, quand bien même M. [U] a fait usage de son code confidentiel, étant observé qu’il n’est pas démontré qu’il l’a communiqué par téléphone, email, chat ou sur les réseaux sociaux comme le mettait en garde la BNP Paribas mais qu’il a indiqué l’avoir saisi sur son application, il n’est pas caractérisé à son égard une négligence grave. La banque est donc tenue de restituer les fonds correspondant aux virements litigieux, seul l’un deux ayant pu être bloqué et recrédité sur le compte de M. [U] le 3 juin 2019.

Sur les demandes chiffrées de M. [U] :

Outre le paiement de la somme débitée sur son compte entre les 29 et 31 mai 2019 avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure adressée par son conseil le 10 octobre 2019 à la BNP Paribas, M. [U] sollicite la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral et du ‘stress post-traumatique très important’ qu’il soutient subir depuis ces événements dont il affirme qu’ils l’ont particulièrement affecté, d’autant plus au regard du défaut d’assistance de l’intimée tant avant que pendant et après la survenance des faits litigieux et de son accusation d’une négligence grave alors qu’il est client depuis plus de 45 ans de celle-ci. Il prétend également qu’elle fait preuve de mauvaise foi en persistant à ignorer ses obligations contractuelles d’indemnisation du préjudice financier qu’il a subi alors qu’elle a pleinement conscience du caractère contestable des virements effectués qu’elle a pu bloquer pour l’un d’entre eux. La BNP Paribas conclut au débouté de toutes les demandes de M. [U] au regard de sa négligence grave.

Le quantum des virements contestés par M. [U], lesquels sont mentionnés sur son relevé de compte, n’est pas discuté par la BNP Paribas ; il convient, infirmant le jugement, de la condamner au paiement de la somme de 54 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2019, la mise en demeure adressée à la BNP Paribas étant datée du 7 octobre 2019 et celle-ci ne contestant pas le point de départ de ces intérêts.

Conformément à la demande de M. [U] et aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière, sera ordonnée.

Il n’est pas contestable que M. [U], client depuis de nombreuses années de la BNP Paribas, ce que celle-ci ne conteste pas, a été moralement affecté par le refus de remboursement qu’elle lui a opposé au prétexte d’une négligence grave qu’elle ne démontre pas, étant observé que celle-ci n’a jamais mis en doute l’existence de l’infraction dont il l’a alertée très rapidement ; son préjudice moral sera justement réparé par l’allocation de la somme de 1 500 euros, l’appelant n’apportant aucun élément pour démontrer l’important stress post-traumatique dont il fait état et ne pouvant faire supporter à la banque le préjudice qui résulte de l’infraction dont il a été victime et qui est imputable à un tiers qui n’a pu être identifié.

S’agissant d’une condamnation indemnitaire, la BNP Paribas sera condamnée au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal, non pas à compter de l’assignation mais à compter du présent arrêt, conformément aux dispositions de

l’article 1231-7 du code civil.

Le tribunal a débouté M. [U] de l’intégralité de ses prétentions en accueillant l’argumentation de la BNP Paribas de sorte qu’il ne peut être considéré que celle-ci a fait preuve d’une résistance abusive en refusant de procéder au remboursement de la somme de 54 500 euros ; par conséquent, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [U] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Déclare l’appel de M. [Y] [U] recevable ;

Infirme le jugement du 3 novembre 2021 sauf en ce qu’il a débouté M. [Y] [U] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive ;

Condamne la société BNP Paribas à verser à M. [Y] [U] la somme de 54 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2019 ainsi que la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Ordonne la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière ;

Condamne la société BNP Paribas à verser à M. [Y] [U] la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société BNP Paribas aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés par maître Monique Tardy conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Conseiller faisant fonction de Président,

Avocat droit bancaire Paris 16